Le neurofeedback pour les troubles des apprentissages

23 novembre 2021 Sarah Dehan

Dyslexie, dyspraxie, dysgraphie, dyscalculie… les troubles DYS impliquent divers dysfonctionnements cérébraux spécifiques. Grâce au neurofeedback, on peut mesurer l’activité cérébrale des personnes touchées par les troubles d’apprentissage pour mieux comprendre cette activité cérébrale et l’améliorer. L’objectif est ainsi d’aller stimuler l’apprentissage de façon active et d’agir sur la régulation cérébrale.

Qu’est-ce qu’un apprentissage ?

Pour comprendre les troubles de l’apprentissage, il est important de repartir de la base : « qu’est-ce qu’un apprentissage ? ».

On peut définir l’apprentissage comme un ensemble de mécanismes menant à l’acquisition de savoir-faire, de savoirs ou de connaissances. On peut aussi voir l’apprentissage comme la mise en relation entre un événement provoqué par l’extérieur (stimulus) et une réaction adéquate à ce stimulus, qui cause un changement de comportement, qui est persistant, mesurable et spécifique.

Dans l’apprentissage, lorsqu’on dit simplement quelque chose, on a tendance à l’oublier. Si on enseigne quelque chose, on a tendance à s’en souvenir, mais on n’a pas vraiment appris. On n’a pas vraiment acquis par nous-même et on ne va pas vraiment voir un changement de comportement. Par contre, lorsqu’on implique la personne, lorsqu’il doit faire la chose par lui-même, c’est vraiment de l’apprentissage. Pour un apprentissage réussi, il faut donc s’appuyer sur les 4 piliers suivants :

  • L’attention
  • L’engagement actif
  • Le retour d’information
  • Et la consolidation.

L’apprentissage et la neuroplasticité

Lorsqu’on parle de l’apprentissage, on parle de la neuroplasticité en soi. En effet, tout processus d’apprentissage est un processus de neuroplasticité. Le cerveau est en train de changer au niveau de son fonctionnement, de sa physiologie et de ses connexions. Souvent on va faire une analogie selon laquelle « Le cerveau est comme une forêt : si on marche plusieurs fois sur le même sentier, un chemin va progressivement se créer ».

Dans le cerveau, cette création de sentier, c’est la création de sentiers de communication entre les neurones. Ces connexions neuronales deviennent de plus en plus efficaces avec la pratique et mènent à l’automatisation des processus liés à une certaine tâche, et donc à la résolution plus facile de certains problèmes.

Pour garder une certaine acquisition dans le cerveau, voici 10 règles de la neuroplasticité qu’on peut appliquer :

  1. On l’utilise ou on le perd
  2. On l’utilise et on l’améliore
  3. Spécificité
  4. La répétition est importante
  5. L’intensité est importante
  6. Le temps est important
  7. La saillance est importante
  8. L’âge est important
  9. Transfert
  10. Interférence.

Recommandations pour faciliter les apprentissages

Pour améliorer sa capacité d’apprentissage, voici quelques recommandations :

  • Favoriser la réactivation neuronale

    • Les neurones doivent s’activer à de nombreuses reprises pour être connectées ensemble et renforcer leur connexion.
      • La répétition est nécessaire.
      • On peut oublier un apprentissage si on ne le remobilise pas régulièrement.
      • La répétition pratique permet de consolider les interrelations neuronales et de favoriser l’acquisition de l’apprentissage.
    • Le fait de tester peut servir à la réactivation neuronale.
      • Le test devient un moyen de consolider et de réactiver, pas un outil d’évaluation.
    • Etre actif dans les apprentissages

      • Les stratégies les plus efficaces d’apprentissage consistent à poser et répondre à des questions, à placer l’élève en situation d’enseignement et d’interaction.
        • C’est lui qui explique une notion à d’autres élèves qui lui posent des questions en retour.
      • L’une des manières la plus efficace de récupérer des informations en mémoire serait de se poser des questions à soi-même.
    • Espacer les périodes allouées à un apprentissage

      • Répartir un apprentissage sur plusieurs courtes périodes, réparties elles-mêmes sur plusieurs jours, plutôt que de les concentrer sur une journée intensive.
      • Il serait alors judicieux d’apprendre à espacer les périodes de révisions, car le fait de réviser seulement la veille ne respecte pas le fonctionnement du cerveau.
    • Avoir un sommeil entre deux phases d’apprentissage

      • Lors des périodes de sommeil, les neurones liés aux apprentissages dans la journée se réactivent.
      • Le sommeil est à considérer comme une période de consolidation des apprentissages.

Exemple : L’apprentissage de la lecture

Pour parler d’un cas spécifique, on peut prendre les troubles de la lecture qui sont souvent vus dans les troubles de l’apprentissage.

Les bases de l’apprentissage de la lecture

Lire consiste à lier le système visuel (cortex visuel) au système verbal (lobe temporal gauche). Un apprentissage efficace de la lecture consiste ainsi à créer des connexions neuronales entre les régions associées aux phonèmes (les sons entendus) et la région associée à la reconnaissance des lettres (par la vue).

Quand on apprend à lire, on a déjà la capacité de comprendre et de produire la parole. Cela implique un dictionnaire sémantique à l’intérieur du cerveau qui permet de comprendre le sens des mots.

Reconnaître des lettres, c’est reconnaître un certain objet. Il y a quelques différences dans le cerveau quand on reconnaît des lettres et des objets quelconques. Il y a bien une activité derrière le cerveau (contexte visuel), mais la vue d’objet résulte en une activation à gauche et à droite du cerveau (activation bilatérale des deux hémisphères). Lorsqu’on parle de la reconnaissance des lettres, on parle des connexions qui sont surtout dans l’hémisphère gauche, entre le cortex visuel et le lobe temporal gauche.

Le développement de l’expertise en lecture

Plus un élève devient habile en lecture, plus il diminue la nécessité de recourir à des régions frontales, liées à l’attention et au contrôle cognitif. Certaines autres régions deviennent de plus en plus activées quand le niveau de maîtrise de la lecture augmente, et notamment le lobe temporal gauche. La région cérébrale occipito temporale gauche se construit et se modifie donc au cours de l’apprentissage de la lecture. Cette région se trouve près d’une région associée aux sons, aux phonèmes; elle est essentielle dans la compréhension orale.

Apprendre à lire consiste à créer de nouvelles connexions neuronales (par la prolongation des axones) entre le système visuel derrière le cerveau et le système verbal situé à gauche dans le cerveau. Il faut savoir comment activer simultanément la reconnaissance des sons et celle des lettres pour apprendre à lire. Une approche syllabique est donc plus compatible avec le cerveau, car elle permet d’activer les neurones liés à la lecture experte.

Les meilleures approches pour la lecture

Les neurosciences préconisent une approche syllabique plutôt qu’une approche globale pour un apprentissage efficace de la lecture. Les recherches tendent à montrer que l’approche globale n’active pas les bons réseaux neuronaux et ne permet pas la consolidation des réseaux liés à l’expertise en lecture.

L’enseignement passera par un enseignement explicite des correspondances entre lettres ou groupes de lettres (graphèmes) et sons (phonèmes).

Le travail de l’automatisation des étapes de lecture demande du temps et de la répétition avec un accès progressif au sens de ce qui est lu.

Qu’est-ce qu’un trouble de l’apprentissage ?

On peut parler des troubles de l’apprentissage dans le contexte plus global des troubles neurodéveloppementaux. Ils regroupent :

  • Les troubles moteurs
  • Les troubles de communication
  • Les troubles spécifiques de l’apprentissage
  • Les troubles du déficit de l’attention TDAH
  • Et les troubles du développement.

Ce qui nous intéresse surtout, ce sont les troubles spécifiques de l’apprentissage, notamment tout ce qui touche à la dyslexie, la dyspraxie, la dysphasie, la dysgraphie, la dyscalculie et la dysorthographie.

Les troubles spécifiques de l’apprentissage

Les critères diagnostiques du DSM-5 pour les troubles de l’apprentissage sont les suivants :

  • Difficulté à apprendre ou à utiliser les habiletés scolaires
  • Persistance depuis 6 mois malgré l’intervention
  • Décalage par rapport à l’âge et répercussion fonctionnelle significative
  • Début à l’âge scolaire
  • Exclusions : déficience Intellectuelle, trouble sensoriel, autre trouble mental ou neurologique, adversité psychosociale, scolarisation inadéquate

Si on prend des exemples de troubles de l’apprentissage, on peut citer :

  • Le langage : lecture (dyslexique) et écriture (dysorthographie / dysgraphie)

    • Difficulté dans la reconnaissance exacte et/ou fluente de mots ainsi que par une orthographe des mots et des capacités de décodage limitées.
    • Ces difficultés résultent typiquement d’un déficit dans la composante phonologique du langage qui est souvent inattendu par rapport aux autres capacités cognitives de l’enfant et à l’enseignement dispensé dans sa classe.
    • Les conséquences secondaires peuvent inclure des problèmes dans la compréhension en lecture.
    • Cela peut entraîner une expérience réduite dans la lecture qui pourrait empêcher la croissance du vocabulaire de l’enfant et ses connaissances générales.
  • Les mathématiques : calculs, sens du nombre, etc. (dyscalculie)

    • Une difficulté d’apprentissage des mathématiques et/ou des autres manipulations numériques dans le cadre d’une intelligence normale.
    • Un trouble du développement mathématiques qui nuit fortement aux activités de la scolarité et de la vie quotidienne impliquant des compétences numériques, en l’absence de trouble sensoriel, moteur, mental ou neurologique. (DSM-4)
    • Trouble neurodéveloppemental dont les symptômes se manifestent dans les premières années de scolarité et sont présents au moins 6 mois, de manière légère, moyenne ou sévère. (DSM-5)

L’évaluation EEGq et l’enfant DYS

Si l’apprentissage est un processus cérébral, il serait important d’avoir un outil de mesure permettant de comprendre son fonctionnement. C’est là que l’Electroencéphalogramme quantitatif ou EEGq entre en jeu. En effet, l’EEGq va permettre de lire l’activité cérébrale de la personne touchée par les troubles de l’apprentissage. L’EEGq fournit une cartographie cérébrale qui donne les différentes activités pour chacune des ondes cérébrales et montre les différentes connexions entre les régions.

A l’EEGq, on peut retrouver les anomalies typiquement associées à l’enfant DYS, à savoir :

  • L’excès de Delta / Thêta
    • Atteinte développementale
    • Difficultés de traitement d’information
    • Difficulté d’apprentissage
    • Difficultés d’attention
  • L’excès d’Alpha
    • Difficultés de compréhension
    • Difficultés d’attention
    • Difficultés d’autorégulation émotionnelle
  • La carence de Bêta
    • Difficultés motrices / de coordination
    • Difficultés d’attention
  • L’excès de Haut-bêta
    • Impulsivité / hyperactivité
    • Irritabilité / agitation
    • Anxiété
    • Difficultés de sommeil
    • Fatigue / épuisement

Le Neurofeedback dans les troubles d’apprentissage

Une fois l’évaluation EEGq terminée, on peut passer au neurofeedback qui est un outil d’entraînement utilisé afin de modifier le fonctionnement du cerveau. Le Neurofeedback agit sur les ondes cérébrales, l’activité électrique du cerveau. La méthode est utilisée aussi bien pour des syndromes cliniques que pour augmenter la performance.

Le Neurofeedback s’appuie sur l’EEG quantitatif pour établir des protocoles d’entraînement ciblés, précis et individuels. Il permet aussi de suivre la progression des entraînements à court, moyen et long terme.

Le neurofeedback vise la modification du fonctionnement cérébral via des mécanismes d’apprentissage et de neuroplasticité. Il permet de cibler précisément une activité anormale associée à des dysfonctionnements cognitifs, comportementaux et émotionnels.

Il est démontré efficace pour les troubles attentionnels et d’apprentissage, les troubles émotionnels (anxiété et dépression) ainsi que les maux de tête et migraines. Il peut également aider au niveau du sommeil, du contrôle moteur et des douleurs chroniques.

Etude de cas

Cas 1 : dyslexie-dysorthographie

* Mathieu – 10 ans

  • Apprend comment lire avec beaucoup de difficulté
    • En retard comparé à ses pairs (à 8 ans)
  • A redoublé sa première année de primaire
  • On lui reproche souvent d’être paresseux et indiscipliné
    • Il démontre peu de motivation et dérange souvent les autres en classe
    • Son estime de soi est atteinte

* Diagnostics :

  • Trouble d’apprentissage spécifique
    • Dyslexie, dysorthographie
  • Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité

* Suivis :

  • Orthophonie (depuis l’âge de 6 ans)
  • Prise de médication psychostimulante (depuis l’âge de 7 ans ; Biphentin 50 mg)

* Présentation de l’ÉEGq initial

  • Excès thêta en hémisphère gauche :
    • Excès postérieur : dyslexie
    • Excès antérieur/postérieur : dysorthographie
  • Carence des ondes bêta sur le cortex antérieur
    • Trouble du déficit de l’attention

* Stratégies d’entrainement – premier protocole

La première moitié de l’entrainement est faite pour apprendre à son cerveau à réduire les ondes thêta et à augmenter les ondes bêta.

  • Mathieu est assis devant l’ordinateur et voit son activité cérébrale sur l’écran devant lui
  • Lorsqu’il réussit à augmenter les ondes bêta, le vidéo avance
  • Lorsqu’il réussit à diminuer les ondes thêta, la musique joue

* Stratégies d’entrainement – deuxième protocole

La deuxième moitié de l’entraînement est pour apprendre à son cerveau à réduire les ondes thêta et à augmenter les ondes bêta en situation de tâches en lien avec le langage.

  • Pour la première moitié de la séance, Mathieu est assis devant l’ordinateur et voit son activité cérébrale sur l’écran devant lui.
    • Lorsqu’il réussit à augmenter les ondes bêta, la vidéo avance
    • Lorsqu’il réussit à diminuer les ondes thêta, la musique joue
  • Pour la deuxième moitié de la séance, Mathieu est assis devant une tâche de lecture, d’écriture, de mots cachés, de mots croisés, etc.
    • Lorsqu’il réussit à augmenter les ondes bêta et à diminuer les ondes thêta, la musique joue.

* Présentation de l’EEGq final

  • Résolution des anomalies :
    • Plus d’excès de thêta
    • Plus de carence de bêta
  • Améliorations significatives en lecture et en écriture
    • Un an plus tard, avec un accompagnement en orthophonie, il est à son niveau scolaire.
  • Résolution du TDAH
    • Dès le début de la prochaine année académique, il peut laisser de côté sa médication psychostimulante.

 

A noter que dans le neurofeedback, la participation active du patient est nécessaire. Le nombre de séances varie beaucoup en fonction de la personne qu’on entraîne. Pour les jeunes touchés par le TDAH ou par un trouble de l’apprentissage, on peut aller de 30 à 40 séances, 2 fois par semaine. Chaque séance dure environ une heure.

Pour connaitre votre profil EEGq et prendre en charge votre anxiété sur le long terme contactez-nous ici.

Pour en savoir plus sur l’entrainement en Neurofeedback et le déroulement des séances, je vous invite à lire cet article ou à nous contacter.

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